mardi 5 juillet 2016

Intervenir au sol, mais avec quoi ?

C'est la proposition n°31 de la commission d'enquête sur les attentats de 2015 : la France devrait
"engager une initiative forte" pour intervenir "militairement plus massivement" en Irak contre Daech, y compris au sol. Il est toujours facile de lancer des harangues martiales, mais il est préférable de les soutenir par un minimum de réalisme.
C'est une option qui était déjà à écarter en 2014, avant même les attentats, et ce serait encore plus risqué, deux ans plus tard. La situation de l'armée française s'étant encore aggravée.
Un suvol même rapide de l'outil de défense français permet de mesurer l'épuisement de son matériel avec des interventions à répétitions, depuis la guerre du Golfe. Le CEMA le reconnaît lui-même, les "ruptures temporaires de capacités" sont en fait des "trous capacitaires" dans des domaines aussi essentiels que les drones, les hélicoptères, les avions de transport.
Certes, on ne manque pas de Leclerc ou d'AMX10RCR, mais que vaudraient-il dans leur configuration actuelle dans des opérations en zone urbaine ?
On le voit bien aussi, les munitions ne sont pas forcément au meilleur de leur forme. Nos alliés, dont la Suède, devaient nous transmettre des munitions au titre de la solidarité dans la lutte contre le terrorisme. La DGA n'a pas souhaité, jeudi dernier, en dire trop sur ce vieux sujet qui n'avance pas beaucoup, au motif de la "confidentialité". Les dépôts du SIMu ne débordent pas, cependant, de kits, ou de corps de bombe. Si un député est en mal de questions, qu'il n'hésite pas à tenter d'obtenir une réponse...
Quand des hélicoptères sont en attente de pièces, allongeant ainsi leurs périodes de maintenance, on voit mal comment on pourrait mener des opérations de guerre sur un front de plus, dans un contexte pareil. Les soucis à répétition de l'Atlas ne permettent pas, pour l'heure, de voir la sortie du tunnel.
L'armée de l'air doit de son côté réaménager les plots chasse pour tenir dans la durée, ce qui illustre bien que sa marge de manoeuvre -réelle- demeure néanmoins extrêmement réduite, la faute à la réduction du parc chasse : 550 dans les années 80, 450 dans les 90's, 200 désormais. Dont tous ne peuvent pas faire la guerre.
L'armée française de power points, visible dans les rapports parlementaires à chaque vote budgétaire, n'est donc pas celle qui peut agir, au quotidien (certains le découvrent encore aujourd'hui).
Evidemment, les indicateurs ne sont pas forcément meilleurs sur le front des RH. Louvois et Sentinelle ont fait de très gros dégâts (notamment dans la vie privée), sans doute irrémédiables : cette génération Sentinelle est d'ailleurs très difficile à retenir (elle ne resigne pas dans les volumes nécessaires pour l'augmentation de la FOT) et on le voit, il est très difficile de lui trouver des remplaçants.
Comme on peut le lire entre les lignes du rapport sur les opint (que je conseille vivement à la lecture), la hiérarchie elle-même n'est pas forcément très optimiste sur la capacité de l'armée de terre à retrouver son niveau d'avant-Sentinelle. Pas un mythe de journaliste, donc.